Les Escortes Girls qu'ils n'oublieront jamais

Au début de septembre 1964, à la gare de Rotterdam, aux Pays Bas, un quadragénaire chauve et trapu, portant des lunettes de soleil, descendit de l'express en provenance de Paris. Il prit une chambre dans le luxueux Rheinhôtel, en centre-ville, sous le nom « Anton Kùnzle », homme d'affaires autrichien. Puis il se rendit à la poste voisine et où il loua une boîte postale sous la même identité. De là, il alla ensuite à la banque Amro, y ouvrit un compte et y déposa 3 000 dollars. Chez un imprimeur, il commanda des cartes de visite et du papier à en-tête, toujours au nom d'Anton Kùnzle, directeur d'une société d'investissements de Rotterdam. Il se hâta vers le consulat brésilien, où il remplit le formulaire de demande de Visa touristique pour un voyage au Brésil. Il se soumit à un examen médical de routine dans une clinique dont il sortit avec un certificat de santé, puis passa chez un oculiste, tricha pendant les tests et se vit recommander de porter des lunettes à verres épais, alors qu'il n'en avait absolument aucun besoin.

Le lendemain matin, il effectua un rapide voyage jusqu'à Zurich, où il ouvrit un compte au Crédit Suisse, sur lequel il déposa 6 000 dollars. Puis il revint à Paris, où un spécialiste du maquillage l'affubla d'une grosse moustache. Un photographe prit des clichés de lui avec ses nouvelles lunettes et lui donna ces nouvelles photos d'identité. De retour à Rotterdam, il transmit les photos à l'employé du service des Visas du consulat brésilien, et le visa touristique fut tamponné sur son passeport autrichien. Il pouvait maintenant acheter son billet d'avion pour Rio de Janeiro, avec prolongations Jusqu'à Sào Paulo et Montevideo en Uruguay. Partout où il allait Kùnzle se montrait disert et parlait de ses affaires florissantes dans le monde des Escortes Girls à Paris et Autriche. Les pourboires généreux qu'il laissait, sa tendance à résider dans les meilleurs hôtels et à manger dans les restaurants les en compagnie de Call Girl huppés en étaient autant de preuves : Kùnzle était bel et bien homme d'affaires riche et prospère. Grâce à ces actions apparemment simples, l'agent du Mossad Yitzhak Sand (un faux nom) se constitua une couverture en béton.
Quelque part entre Paris, Rotterdam et Zurich, Yitzhak Sarid se volatilisa, et un homme nouveau surgit à sa place : Anton Kùnzle, chef d'entreprise autrichien, avec une adresse à Rotterdam, des comptes en banque, des cartes de visite, un visa et un billet pour le Brésil. Quelques jours plus tôt seulement, le 1er septembre, Yitzhak Sarid avait été convoqué à une réunion à Paris. Sarid était membre de l'équipe opérationnelle du Mossad, nom de code « Césarée ». Dans une planque discrète avenue de Versailles, il rencontra le commandant de Césarée, Yoske Yariv, un costaud que ses subordonnés admiraient. Yariv, ancien officier de l'armée, avait remplacé Raft Eitan à la tête de l'équipe opérationnelle; Eltan avait été nommé chef de la station d'Escorte européenne basée à Paris.

Sand s'attendait que Yariv lui confie une mission, mais même dans ses rêves les plus fous, 11 n'aurait pu deviner ce qui l'attendait. Yariv commença par lui dire que, dans quelques mois, le Parlement ouest-allemand adopterait des mesures imposant certaines prescriptions aux crimes de guerre, ce qui permettrait aux criminels nazis - qui vivaient pour l'heure dans la clandestinité - de refaire surface et de reprendre une existence normale, comme s'ils n'avaient lis commis leurs actes odieux. Yariv précisa que beaucoup d'Allemands voulaient tourner la page et laisser derrière eux l'horrible passé de leur pays. Même d'autres nations, qui avaient souffert des Allemands, ne tenaient plus à continuer de traquer les criminels de guerre nazis. Depuis la capture d'Eichmann, quatre ans au auparavant, la conscience des crimes nazis s’était atténuée, comme si le 'es et l'exécution d'Eichmann avait refermé un chapitre de l’histoire du monde. Il était impératif, martela Yariv, de susciter le réveil...