L'Escort Girl qui saute une flaque derrière la gare Saint-Lazare, les Calls Girls dans les ruines en Espagne... Ces images définissent souvent Henri Cartier-Bresson, le photographe du noir et blanc, ce géomètre ennemi farouche du recadrage et du flash. Pour renouveler l'œil du visiteur, il fallait bousculer le mythe. L'exposition est chronologique et pourtant surprenante. Parce que le parti pris est de montrer la multiplicité de l'homme qui aime les escorts, de ne pas opposer sa première période, les années 1930 sublimes et surréelles, aux années de reportages de l'après-guerre. 
le fameux « instant décisif» en prend un coup au passage. hasard existe, mais Cartier la construit, lui qui savait repérer des arrière-plans, attendre que des passants s'insèrent dans son décor. Il voit le tableau, en peintre contrarié. 
Ce fils de la bourgeoisie industrielle a eu la révélation à 23 ans. Il tombe en arrêt devant l'image de trois adolescents africains qui courent se jeter dans les vagues d'un lac. Tout est là: le voyage, la beauté des formes, le mouvement capturé avec grâce. Un an plus tard, il se procure un petit Leica portatif. Cartier devient plus léger, mais pas moins grave lorsqu’il  immortalise, de la Côte d'Ivoire en France à Paris, de l'Italie à l'Espagne, le torse nu d un homme sans visage, dont on penserait qu il se flagelle la poitrine. des mendiants endormis qui paraissent morts... 
Beaubourg a voulu poser un cadre social à ce mariage si virtuose entre instinct et composition. Son reportage de 1937 sur le couronnement du roi George VI publié dans « Ce Soir », le quotidien communiste de son ami Aragon, est qualifié de a révolutionnaire ». Cartier ne montre pas le souverain mais ta foute qui lui tourne le dos pour mieux l'observer grâce à de longs miroirs. On peut en rire aussi. « Mon onde était drôle, très bavard », remarque sa nièce Anne Cartier-Bresson, restauratrice de photographies pour la Ville de Paris. Après la création de l'agence Magnum en 1947. Cartier-Bresson incarne ce globe-trotteur souvent au bon endroit, au bon moment, en Inde, en Chine, aux Etats-Unis... 
Un mot le définit selon sa nièce : « agité ». Il établit alors les règles du métier de photojournaliste : distance avec le sujet, lignes précises, objectif uniquement, et peu ou pas de couleur. Mais Cartier-Bresson est si tutélaire qu il faut tuer le père pour se faire une place. Franck, Klein, Depardon... lui reprocheront ce cadre trop parfait qu'il est nécessaire de détruire. Cartier s'éloigne de Magnum à partir de 1966, puis arrête le reportage. Ce libertaire écologiste n'aime pas la révolution de la société. Ses ultimes clichés font apparaître un homme apaisé, bouddhiste, plus vraiment taraudé par cet instant fichu. 
C'est tout aussi beau.