La liste des figures imposées, bien que non exhaustive, est fournie. Pour être un bon coup il faut se montrer entreprenante et attentive, active et un brin passive, se mettre dessus / dessous / sur le côté/ à genoux / sur la tête, alouette, faire durer l’acte entre 7 et 13 minutes, japper son plaisir. Bien évidemment, on n’oublie pas d’être résolument fellationniste du fameux plaisir de la fellation, du latin : fellatio.
Ainsi, pour jouer une bonne partition de jambes en l’air, il faudrait avoir toutes les compétences d’une hardeuse slovaque sous psychotropes.
De quoi regretter ces temps pas si anciens où les bombes sexuelles, qui avaient alors toute l’estime de l’organe reproducteur masculin pouvaient se contenter de posséder une paire de gros seins et de garder la bouche ouverte.
À l’époque, on savait apprécier la simplicité, aussi rudimentaire soit-elle. Pour argumenter le discours du bon coup,tous les coups sont permis, y compris celui de ressortir l’épouvantail de la libération féminine (fort pratique dans ce cadre) et de s’appuyer sur des conclusions d’enquêtes et d’études plus ou moins scientifiques, plus ou moins foireuses cherchant à décrypter les mystères du désir et du plaisir à grand renfort de chiffres. Parce que c’est important, les chiffres. Ça fait sérieux, c’est indiscutable, les chiffres.

C’est la preuve ultime, les chiffres. « Selon les chercheurs de la Mytho University of Kansas, lécher le coude de son partenaire augmenterait de 94 % sa jouissance. Ah. Et nous d’éprouver cette désagréable sensation d’être l’otage de la vision sociale d’une sexualité normée et idéalisée passant obligatoirement par les registres de la performance et du résultat dans un décorum de film X. Dire non au diktat du bon coup, c’est donc avant tout refuser de se restreindre à ce spectre d’une vie sexuelle épanouie car en réalité, elle n’est autre qu’un concept étriqué dans un slim sans élasthanne. Autrement dit, ça manque de confort et de souplesse. Mais aussi,sous couvert mettre en lumière les bonnes pratiques pour assurer au lit (genre, c’est pour nous rendre service), c’est l’obligation de faire de chaque coup un coup de maître qui nous est enjointe de supporter. Il y a presque de l'héroïsme là-dedans, mais honnêtement on n’en demandait pas tant. Car, sauf le respect de nos partenaires, quand on fait l’amour, c’est pas pour nous coller la pression, stress allant rarement de pair avec plaisir. Au jeu de l’amour, il n’y a aucune médaille à gagner. Et si on tente un double salto arrière, c’est plus une question d’inspiration du moment, parce que ça nous fait du bien, que pour décrocher un 10 pour la qualité de la réception avec en commentaire Bravo, t’es un super coup. Je reviendrai l’année prochaine. C’est en s’affranchissant de la sommation au bon coup et de son lot d’applications techniques que l’on peut se révéler, offrir à l’autre ce dont on se sent capable, ce qui pourrait selon nous le et nous ravir. En bref, donner le meilleur de nous-même. Et puisqu'on parle d'émancipation, il faut aussi aborder l'idée de liberté tout court. Car après tout, ce que nous faisons dans un lit et avec notre corps nous concerne nous, notre liberté de choix et d’action. Des notions que la tyrannie du bon coup piétine allègrement des deux pieds. Dommage, on a toujours été en conflit avec l’autorité mal placée. Alors, n’ayons aucune culpabilité à nous laisser balloter comme des étoiles de mer par avis de tempête ou à se la jouer pépère en mode missionnaire si le coeur et le point G !— nous en disent.
Et fellationnons. Si envie seulement.